Passer d'un paradigme événementiel à un paradigme stylistique de mission

Post précédant : Cinq paradigmes de la foi chrétienne

Imaginons si nous pourrions changer notre vision de ce que c’est, la mission, pour passer d’une idée de mission centrée sur les événements, ou des activités et gestes précis, en temps et lieux précis, à la mission comme contexte global de toute notre vie et de notre mode de vie.

Craig van Gelder a démontré comment l’idée qu’une vision de l’Église comme organisation sociale qui doit accomplir quelque chose est une invention uniquement américaine, une transformation innouie dans l’histoire de l’ecclésiologie chrétienne. Il veut plutôt que nous retournions à une conception de la vocation de l’Église en matière de participation à ce que Dieu fait dans le monde.

Je trouve que le terme événementiel est particulièrement bien adapté pour décrire ce qui est devenu une façon dominante de penser aux missions – un paradigme de moins en moins utile pour l’Église. L’événementiel a une double signification révélatrice : d’une part, en tant qu’adjectif, il signifie “relatif aux événements”, dans un sens très large. Mais il a aussi été adopté comme nom pour le domaine professionnel d’organisation d’événements - ceux qui travaillent dans l’événementiel font le travail logistique de planification et d’exécution d’événements, de concerts, de conférences, de festivals, etc. Comme tout domaine professionnel, l’événementiel s’accompagne d’un ensemble de valeurs intégrées : excellence de l’exécution, peaufinage, commercialisation, croissance, rentabilité. Ces éléments décrivent très bien l’industrie de divertissement consumériste, mais ne ressemblent pas vraiment à la manière dont Jésus a vécu sa mission. Au lieu de mener la bataille perdante - et épuisante - de la concurrence avec Disney, Netflix et Youtube sur leur propre terrain, peut-être pourrions-nous commencer à penser différemment la mission chrétienne. Peut-être pouvons-nous laisser de côté à la fois la perfection logistique de la planification d’événements et la relégation de la mission à des moments ou activités spéciales.

J’ai participé la semaine dernière au temps d’orientation pour un voyage missionnaire, appelé PRAXIS, dont le devise est le suivant: « PRAXIS est une occasion de se pratiquer à être une personne à part entière qui vit une vie intégrée. » Et si nous pouvions l’adopter comme définition de la mission?

Si notre vocation serait simplement d’être une personne à part entière qui vit une vie intégrée? Il est certain qu’il existe des modes de vie intégrés qui ne correspondent pas à la mission, car ils ne corréspondent pas au mode de vie et à l’enseignement de Jésus; mais le contraire, est-ce également possible? Voilà le cœur de l’idée de la mission stylistique, paradigme qui a une résonance particulière avec notre contexte social et culturel. Sociologist François Gauthier appelle cette tendance la lifestylization; Charles Taylor, à son tour, parle de l’éthique de l’authenticité. Dans tous les cas, il s’agit d’une transformation qui se manifeste dans toutes les sphères de la vie sociale, y compris la religion.

À PRAXIS, j’ai parlé pendant trois quarts d’heure à ce sujet, et je l’ai à peine effleurée, alors un court article de blog ne peut qu’introduire l’idée.

L’organisme missionnaire pour lequel je travail imagine notre participation à la mission en trois cercles concentriques: la mission, le témoignage, et l’évangélisation.

Il est sur ce troisième point où on voit le plus clairement l’idée de mission comme style de vie. Tout ce que nous sommes et tout ce que nous faisons fait partie de la mission, de notre vocation – et ce, non seulement, même pas principalement, sur le plan individuel. Comme l’écrit Lesslie Newbigin dans Sign of the Kingdom,

“Je crois que le Royaume de Dieu suggère que la mission chrétienne prenne la forme d’une communauté, d’un environnement dans lequel le Règne de Dieu est reconnue, dans lequel les valeurs de justice, de paix et d’amour opèrent. Sans l’herméneutique d’une telle communauté vivante, le message du Royaume ne peut que devenir - une fois de plus - une idéologie et un programme ; ce ne sera pas un évangile.

Newbigin est très clair sur le point que la mission est communautaire. Mais d’une importance aussi grande, il souligne ce que la mission n’est pas. Le Royaume de Dieu n’est ni une idéologie – un système de pensée ou de comportement que nous devons imposer sur les autres et sur la société – ni un programme – un ensemble d’activités qui accompliront un but quelconque. Le Royaume de Dieu est un don que Dieu nous donne, et c’est lui qui est responsable pour son accomplissement.

Qu’en est-il donc de l’évangélisation? Est-ce possible que l’évangélisation ne soit pas non plus un événement? Si le terme évoque des conversations préparées, ou des conférences, des débats publics ou des cultes d’église avec une musique et une prédication perfectionnées, suggérer que l’évangélisation peut être autre chose va à l’encontre de toute notre expérience chrétienne. Dans les pires dérives, cette vision de l’évangélisation peut devenir un espèce de salut par les œuvres – les œuvres de l’évangéliste, bien sûr. Une vision de la mission, et aussi de l’évangélisation comme style de vie, en est un correctif important.

Nous revenons encore à la concordance parfaite de parole et de geste, comme Jésus, qui « dit ce qu’il pense et fait ce qu’il dit (Cité ici) ». Débarrassons-nous de la barrière entre conversations spirituelles et toutes les autres conversations, entre événements d’évangélisation et tous les autres moments de la vie. La seule distinction entre les deux est notre refus de soulever certains sujets. Ceci exige deux ajustements. Premièrement, saisir le fait que l’évangélisation n’exige pas toujours un exposé complet du plan de salut: Jésus, souvent, n’a fait que poser des questions ou raconter des histoires déroutantes. Le second est de vire un style de vie radicalment christique.

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