Le style de la joie et de l'espérance de l'évangile

Pour certains de mes amis protestants, le fait que j’aie une photo du Pape en tete de cet article pourra causer scandale. En tant qu’évangélique, j’ai bien sûr mes hésitations et mes critiques au sujet du pape François et au sujet de l’église Catholique Romaine; mais j’ai beaucoup appris, et j’ai souvent été inspiré, par des exemples de foi de l’autre rive du Tibre. La vision holistique de la vie et de la mission décrite dans le texte La joie de l’évangile que François a publié pendant sa première année comme pape en est un exemple, qui s’aligne étroitement avec les idées de la mission comme style de vie, qui se trouve au centre de mon projet théologique. Je parlerai ultérieurement de ma théorie d’une transition de paradigmes sociétale, doctrinal, et institutionnel de la foi vers un paradigme stylitique – mais suffit de dire que certains de ces thèmes se voient très clairement dans ce texte de François. J’en offre ici un court résumé des grandes idées de ce texte, d’après une lecture de Enzo Biemmi, théologien catholique et professeur à Vérone.

Avant de commencer, par contre, il faudra préciser qu’en ce cas, l’objet de ce poste est de donner un résumé fidèle du texte plutôt que de dire que j’appuie tout ce qui s’y trouve. Il est l’orientation globale du texte que j’apprécie, et non pas tous les détails. Notamment, comme tout Protestant qui adhère 1) à sola fide et à sola gratia, je crois que le magistère romain va bien trop loin en disant que l’évangélisation est nécessaire pour notre salut comme évangélisateur; et 2), à solus christus, alors qu’il ouvre une certaine voie du salut meme, par exemple, aux agnostiques. D’une certaine manière, il rend le salut à la fois trop facile et trop difficile.

Mais la beauté de la pensée de François relève de l’idée de concordance entre parole et geste; de l’exigence d’intégrité absolue, à la fois pour les chrétiens et pour les institutions chrétiennes. Commentant le même texte dans l’une de ses publications, Christoph Theobald suggère que la réforme institutionnelle est une partie aussi importante de la mission chrétienne que l’évangélisation; le pape reconnaît que la repentance institutionnelle est primordiale por son église, et sur ce point, nous Protestants devons tout à fait le suivre.

Bon, suffit le commentaire; voici mon résumé du texte de Biemmi (2015): Une Église « en sortie ». La conversion pastorale et catéchétique d’Evangelii gaudium, Revue Lumen Vitae, 2015/01, p. 29-41:

Biemmi résume ici l’enseignement de l’exhortation apostolique Evangelii gaudium du pape François. L’exhortation s’agit de « son document programmitique, sa carte d’identité » qui, sur la base de la joie du don de l’évangile et le travail du Saint-Esprit, appel à « une conversion radicale, à une réforme vraie et authentique de l’Église, de chacune de ses dimensions, pour que tout dans l’Église parle de l’Évangile (p 30, je souligne) ». François délaisse le terme « évangélisation » pour parler presqu’exclusivement de « mission », horizon qui veut sortir du « secteur particulier de l’action pastorale (30) » et retirer la foi « de l’enceinte du sacré et [la rendre] à la vie profane (31). »

Le contexte qui appel à cette conversion est la fin du « christianisme sociologique », dans lequel « chrétien et citoyen coïncidaient » ou la foi est « héritée …, escomptée, obligée (31) ». Étant devenu pâte, le Seigneur appel maintenant son peuple à redevenir levain, minorité, mais minorité « “pour”, en faveur de la pâte » - et de le faire dans un esprit d’espérance pour la société et pour le monde. Il s’agit d’une réforme missionnaire de toute l’Église, selon laquelle toutes ses structures vivent une « conversion pastorale » afin qu’« elles deviennent toutes plus missionnaires » – l’Église devient ainsi sacrament, ou « signe et instrument de la grâce de l’Évangile (33) » [c.f. Sign of the Kingdom de Lesslie Newbigin]. Cette réalité relêve du « style même de Dieu », selon lequel ses paroles et ses actes se trouve en harmonie parfaite (cite Dei Verbum n° 2).

Biemmi cite Christoph Théobald, qui parle de deux paliers de foi (générale, humaine, oeuvre du Saint-Esprit dans tout être humain; et foi de disciple, engagé pour Jésus) et André Fossion qui parle d’un sorte de « chrétiens anonymes » à la Rahner pour demander quel besoin, alors, d’évangéliser? À partir du texte de François, ainsi que de Evangelii nuntiandi, il donne trois motifs: 1) pour notre propre salut; 2) pour notre joie, ou expression de notre gratitude, et 3) comme expression de notre amour pour autrui (36-37).

L’évangélisation n’est pas question de style ou « d’attitudes » seulement; l’évangélisation comporte une parole. Il ne s’agit pas de transmettre des doctrines, mais un fondement: « un événement dont le kérygme témoigne (37) ». C’est elle, l’annonce première – non en sens chronologique, mais en sens de primauté; annonce qui se répète, et qui « se concentre sur l’essentiel, sur ce qui est le plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire » : il s’agit du don gratuit de l’amour de Dieu (38-39).

Le style de Jésus dans l’évangélisation se comprend selon deux façettes: la concordance parfaite de parole et geste (« [il] dit ce qu’il pense et fait ce qu’il dit (39) »); la capacité d’écouter et d’apprendre; et son absence d’insistance, appelant par contre à la foi première, générale, humaine – le travail préalable du Saint-Esprit dans la conscience de chacun. « Theobald appelle tout cela “sainteté”, correspondance parfaite entre contenu et forme (39) ».

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