La dernière pièce du casse-tête, ou, pourquoi l'évangélisation ne fonctionne plus
Post précédant : Nous sommes l'église ensembleAvez-vous déjà fait un casse-tête? Imaginez que vous êtes assis à votre table de cuisine, devant une belle image presque terminée – pour être artistique, l’image est une reproduction de la Joconde de de Vinci. Il reste seulement deux ou trois pièces à placer, au tout milieu de son visage. En les posant – ces pièces qui forment son sourire – vous expérimentez la joie de voir une des plus grandes oeuvres d’art de tout les temps, enfin complète, devant vos yeux.
Lorsque je dis « évangélisation », je parle surtout des conversations, que ce soit avec des amis ou des inconnus, qui visent surtout à partager le plan du salut. Je connais bien cette approche : je la suis depuis des années, et j’ai entamé plusieurs centaines de conversations. Et avec le temps c’est devenu de moins en moins efficace.
Nous avons aussi essayé d’autres tactiques. Au lieu de viser une décision comme dans le passée, on a changé pour prioriser les relations – le but étant de fixer un deuxième rendez-vous pour parler davantage de Dieu. Mais ce changement n’a pas changé les résultats. Les gens ne sont tout simplement pas intéressés par ce qu’on vendait.
Par contre, dans le passé, cette méthode fonctionnait. Le ministère pour lequel je travail a eu ses origines aux États-Unis dans les années 50, et l’on a importé des façons de faire au Canada dans les années 60. Pendant les années 70 et 80, au Québec, le grand défi du ministère étudiant était d’avoir assez de chrétiens matures pour faire un suivi et du mentorat avec tous les nouveaux convertis, il y en avait tellement qui répondait très rapidement à ce genre de présentation.
Cette méthode était tellement efficace que présenter le plan du salut est devenue la définition de l’évangélisation, et ce qui est de plus, « sauvé par la grâce, par le moyen de la foi » est devenu la définition de l’évangile.
Le monde a beaucoup changé depuis ce temps-là. Mais les États-Unis aux années 50 et le Québec aux années 70 avaient quelque chose en commun : les deux étaient saturés d’un arrière-fond de christianisme. C’était dans les airs. Des églises, des missions, des oeuvres de service, et des gens qui servaient le monde au nom de Dieu rendaient visible le Royaume de Dieu – sans considérer toutes les traditions et les croyances culturelles d’une société qui pratiquaient majoritairement la foi chrétienne.
Pour des gens qui connaissaient déjà tous ces points de référence, ceux qui avaient vu, encore et encore, ce que c’est, le Royaume de Dieu , tout ce qu’il leur fallait était cette dernière pièce du casse-tête pour voir l’image entière.
Alors revenons à la table de cuisine, mais cette fois-ci elle est vide. Devant vous reposent seulement deux ou trois pièces de casse-tête, toutes jaune marbré. Vous les regardez, confus, et vous essayez d’imaginer l’image de laquelle elles ont été tiré. À côté de vous, un ami, de façon très animée, essaie d’expliquer que ces pièces, ce sourire, est la plus belle oeuvre d’art jamais conçu. L’artiste a passé des années à le réaliser.
Nous ressemblons à cet ami confondant lorsqu’on essaie de réduire l’évangile au sola fide et au sola gratia. Oui, sans ces-derniers, la belle oeuvre de Dieu est incomplète. Mais sans avoir vu le reste de l’image, l’on ne comprend pas l’allure du sourire.
Alors pourquoi est-ce que l’évangélisation ne fonctionne plus? Parce qu’elle n’a jamais fonctionné toute seule. Si certains ministères pouvaient se dédier exclusivement à cette tâche, ils construisaient sur le travail de d’autres organismes, églises, et individus, qui construisaient le reste de l’image.